Auteur
Kim
Deslandes
Directrice de thèse
Bignami, Simona
Jury(s)
Bignami Simona
L’Afrique subsaharienne est la région du monde où les cas d’infections au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont les plus nombreux. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) de 2015 estime à 19 millions le nombre de personnes infectées par le virus. Les femmes sont plus touchées que les hommes en raison des inégalités entre les sexes et de la discrimination à laquelle elles font face, notamment au niveau de l’accès aux ressources financières. Dans les sociétés où le mariage est universel, des études ont montré que les femmes utilisent le divorce en termes de stratégie de protection contre la transmission du VIH par leur partenaire ayant un comportement sexuel à risque. Ceci pourrait contribuer à éviter une infection par le VIH. L’étude des parcours de vie des femmes mariées permet de comprendre les comportements et les enjeux associés aux infections par le VIH. Peu de travaux ont porté sur la relation entre le divorce et le VIH, notamment parce que les données sur les unions passées et sur les couples ne sont généralement pas disponibles. Dans cette thèse, nous utilisons les données du Malawi Longitudinal Study on Family and Health (MLSFH). Nous visons à approfondir les dynamiques relatives aux parcours matrimoniaux des femmes et des hommes en Afrique subsaharienne dans le contexte de l’épidémie du VIH, généralisée dans la région. Il s’agit d’une enquête longitudinale de grande envergure dans trois régions rurales. Elle porte sur les comportements et les enjeux associés à la santé reproductive et sexuelle et collecte de l’information sur des marqueurs biologiques pour les femmes mariées et leurs partenaires. Les données du projet sont pertinentes pour nos recherches car elles nous donnent accès à l’historique des unions des deux partenaires ainsi qu’à des caractéristiques sociodémographiques au fil du temps. De plus, tous les répondants et leurs conjoints actuels se sont vus offrir des tests de dépistage du VIH lors d’au moins un passage de l’enquête.Cette thèse contribue à la littérature sur les ruptures d’union et les infections par le VIH en Afrique subsaharienne en poursuivant deux objectifs. Le premier objectif est d’établir si l’attitude des femmes vis-à-vis du divorce est liée à la rupture de leur première union. Nous utilisons pour ce faire une approche longitudinale (modèle de survie en temps discret) où les caractéristiques prédisant la séparation sont mesurées alors que le couple est toujours uni, soit quelques années avant qu’une éventuelle séparation ne survienne. Notre intérêt est d’approfondir le rôle de l’attitude des femmes face au divorce dans certaines situations bien précises sous l’hypothèse que cette attitude traduit, d’une part, leur niveau d’autonomie perçu et, d’autre part, les normes sociales associées au divorce. Nous utilisons l’attitude des femmes vis-à-vis du divorce mesurée dans cinq situations hypothétiques: 1) lorsque le soutien financier du mari à sa femme et à ses enfants est insuffisant; 2) en cas de violence conjugale; 3) en cas d’infidélité sexuelle de la part du mari 4) lorsqu’une femme pense que son mari est infecté par le VIH; et 5) lorsqu’un mari interdit à sa femme d’utiliser toutes méthodes de contraception.Finalement, les attitudes d’une femme à l’égard du divorce jouent un rôle limité sur sa probabilité de divorcer. L’effet de l’attitude dans deux des cinq situations est toutefois significatif. En effet, cette étude démontre que la probabilité de divorce augmente pour les femmes qui croient que la violence conjugale est un motif justifiable pour rompre une union. Par contre, la probabilité de divorce diminue pour les femmes ayant une opinion favorable vis-à-vis du divorce en cas de suspicion de l’infection par le VIH chez le mari. D’autres caractéristiques matrimoniales sont associées à de plus grandes chances de divorce, dont le lieu de résidence à la suite du mariage (patrilocal, matrilocal ou néolocal) et, la différence d’âge entre les époux.Le deuxième objectif de cette thèse est d’étudier la relation entre les parcours matrimoniaux et le statut sérologique du VIH des couples. Ce genre d’étude est rarement possible faute de données à la fois sur les parcours matrimoniaux et sur le VIH. Nous utilisons d’abord des techniques de base de l’analyse séquentielle pour rendre compte des différents parcours et mettre en évidence leurs différentes caractéristiques. Les résultats des analyses statistiques (modèles logit multinomial) démontrent ensuite que les couples cumulant un plus grand nombre de ruptures d’unions ont plus de chances de se retrouver dans une union sérodiscordante, particulièrement chez un couple où seule la femme vit avec le VIH. Des indicateurs relatifs au mariage, tels que le type d’union (monogame ou polygame) et le lieu de résidence à la suite du mariage, expliquent aussi fortement le statut sérologique du couple.Nos résultats ont d’importantes implications sur le plan politique alors que les nombreux États membres de l’ONU se sont engagés vers les nouveaux Objectifs de développement durable. Parmi ces objectifs se retrouvent la promotion des droits des femmes et la réduction du nombre de nouvelles infections au VIH, deux thèmes qui ressortent de nos recherches. Notamment, nous désirons attirer l’attention vers la poursuite de la lutte contre la violence faite aux femmes en orientant les programmes de sensibilisation de sorte que les garçons et les hommes y soient directement impliqués. Leur engagement est nécessaire pour s’attaquer aux pratiques culturelles où la violence est tolérée et, par le fait même, travailler vers les changements des mentalités et des normes de genre. Finalement, des tests de dépistage du VIH sur une base régulière devraient être recommandés dans le but de détecter les nouvelles infections le plus rapidement possible et éviter de nouveaux cas. Cette recommandation est autant valable pour les célibataires que pour les couples alors qu’une infection peut se produire lors de relations sexuelles extraconjugales non protégées. Une diminution de la violence faite aux femmes contribuera à éliminer la vulnérabilité des femmes et limiter leur exposition aux risques d’infection par le VIH.
Année de soutenance
2018
Lieu de soutenance
Université de Montréal
Mots clés
Mariage
Divorce
Autonomie
Attitudes
VIH
Sida
Couples
Sérodiscordance
Sociologie - Démographie (UMI : 0938)
Sujet
Ruptures d’union en région rurale au Malawi : attitude des femmes vis-à-vis du divorce et sérodiscordance du VIH des couples.